Pape François:
Je vais essayer de vous le dire. J’ai une image. J’ai
entendu ici que l’on ne grandit pas tout seul et qu’il y a
toujours un regard qui t’aide à grandir. Et j’ai l’image de
mon premier enseignant, cette femme, cette maîtresse qui m’a pris à six ans, au
premier niveau scolaire. Je ne l’ai jamais oubliée. Elle m’a fait aimer l’école. Et
par la suite, je suis allé lui rendre visite tout au long de sa vie jusqu’à sa mort, à
98 ans. Et cette image me fait du bien ! J’aime l’école parce que cette femme m’a
appris à l’aimer. C’est la première raison pour laquelle j’aime l’école.
J’aime l’école parce qu’elle est synonyme d’ouverture à la réalité. C’est en tout
cas ce qu’elle devrait être ! Mais elle n’y parvient pas toujours et alors cela veut
dire qu’il faut changer un peu ses dispositions.
Aller à l’école signifie ouvrir son esprit et son coeur à la réalité, dans toute la
richesse de ses différents aspects, de ses dimensions. Et cela, c’est très beau !
Dans les premières années, on apprend à 360 degrés, puis petit à petit on
approfondit dans une direction et à la fin on se spécialise. Celui qui a appris à
apprendre – c’est cela le secret, apprendre à apprendre ! – cela lui reste pour
toujours, il reste une personne ouverte à la réalité.
Les enseignants doivent, les premiers, rester ouverts à la réalité. Parce que
si un enseignant n’est pas ouvert pour apprendre, ce n’est pas un bon enseignant,
et il n’est même pas intéressant. Les jeunes comprennent, ils ont « du flair » et
ils sont attirés par les professeurs qui ont une pensée ouverte, «incomplète »,
qui cherchent « quelque chose de plus » et qui contaminent ainsi les étudiants.
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aime l’école.
Un autre motif est le fait que l’école est un lieu de rencontre. Parce que nous
sommes tous en chemin, nous entamons un processus, nous ouvrons une route. On
y rencontre des compagnons ; on y rencontre les enseignants ; on y rencontre le
personnel non enseignant. Les parents rencontrent les professeurs, le directeur
rencontre les familles, etc. C’est un lieu de rencontre. Et aujourd’hui, nous avons
besoin de cette culture de la rencontre pour nous connaître, pour nous aimer,
pour marcher ensemble. Et ceci est fondamental, précisément à l’âge où l’on
grandit, comme en complément de la famille. La famille est le premier noyau de
relations : la relation avec le père, la mère et les frères et soeurs est la base et
elle nous accompagne pendant toute la vie. Mais à l’école, nous avons des
relations sociales : nous rencontrons des personnes différentes de nous,
différentes par l’âge, la culture, les origines, les capacités. L’école est la
première société qui intègre la famille.
Il ne faut jamais opposer la famille et l’école ! Elles sont complémentaires et il
est donc important qu’elles collaborent, dans le respect mutuel.
Et les familles des jeunes d’une classe peuvent faire beaucoup en collaborant
entre elles et avec les enseignants. Cela fait penser à un très beau proverbe
africain : « Pour éduquer un enfant, il faut un village ». Pour éduquer un jeune,
il faut beaucoup de monde : la famille, les enseignants, le personnel non
enseignant, les professeurs, tous !
Et puis j’aime l’école parce qu’elle nous éduque au vrai, au bien et au beau. Les
trois vont ensemble. L’éducation ne peut pas être neutre.
Ou elle est positive, ou elle est négative.
Ou elle enrichit, ou elle appauvrit.
Ou elle fait grandir la personne, ou elle l’affaiblit, et peut même aller jusqu’à la
corrompre.
Un échec propre est toujours plus beau qu’une victoire sale !
La mission de l’école consiste à développer le sens du vrai, du bien et du beau. Et
cela se fait à travers un cheminement riche, fait de nombreux « ingrédients ».
C’est pour cela qu’il y a une discipline ! Parce que le développement est le fruit de
divers éléments qui agissent ensemble et stimulent l’intelligence, la conscience,
l’affectivité, le corps, etc.
De cette façon, nous cultivons en nous le vrai, le bien et le beau ; et nous
apprenons que ces trois dimensions ne sont jamais séparées, mais toujours liées.
Si une chose est vraie, elle est bonne et elle est belle.
Si elle est belle, elle est bonne et elle est vraie.
Si elle est bonne, elle est vraie et elle est belle.
Et ensemble, ces éléments nous font grandir et nous aident à aimer la vie, même
quand nous allons mal, même au milieu des problèmes.
La véritable éducation nous fait aimer la vie, nous ouvre à la plénitude de la
vie ! Et je voudrais dire enfin que dans l’école, non seulement nous apprenons des
connaissances, des contenus, mais nous apprenons aussi des habitudes et des
valeurs.
On éduque pour connaître un certain nombre de choses, c’est à dire de nombreux
contenus importants, pour acquérir certaines habitudes et aussi pour assumer
des valeurs. Et ceci est très important.
Je vous souhaite à tous, parents, enseignants, personnes qui travaillez dans les
écoles, élèves, une belle route dans l’école, une route qui permette de développer
les trois langues qu’une personne mûre doit savoir parler : la langue de l’esprit,
la langue du coeur et la langue des mains. Mais harmonieusement, c’est-à-dire
penser ce que tu sens et ce que tu fais, bien sentir ce que tu penses et ce que tu
fais, et bien faire ce que tu penses et ce que tu sens.
Trois langues, harmonieuses et ensemble !
S’il vous plaît, ne nous laissons pas voler notre amour de l’école !
Extrait d’un discours du Pape François chez les Ursulines